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La donation André Eijberg

Par Muriel Damien, Service aux Collections

Attaché au milieu universitaire de l’Université catholique de Louvain et d’ailleurs partie prenante dès les débuts de la construction de Louvain-la-Neuve, impliqué dans la création du jardin de sculptures sur le site de Woluwe, l’artiste belge André Eijberg (1929-2012) réalise entre 1973 et 1974 une sculpture monumentale en bronze pour le centre de recherche de la firme Monsanto, la première entreprise à s’implanter dans le Parc scientifique de Louvain-la-Neuve. Ces raisons diverses et variées ont motivé Aurelia Eyberg et ses enfants, Éric et Sylvie Eyberg1, à choisir le Musée L comme réceptacle d’œuvres de l’artiste. En effet, en mars 2020, les collections du Musée L se sont enrichies de trois nouvelles sculptures réalisées par l’artiste belge acquises par donation. Ainsi, Pénélope, Baigneuse et Mater viennent renforcer la présence d’André Eijberg dans les collections du Musée L qui possédait déjà deux dessins, Études de nu féminin – don de l’artiste à l’occasion de l’exposition Artes bruxellae en 1992 – et Torse n°1.

Né en 1929 à Ixelles, André Eijberg commence à travailler dès l’âge de quatorze ans dans une brasserie et dans les pépinières du château de Croÿ au Roeulx, puis comme débardeur pour l’armée américaine. Vers l’âge de 16 ans, il travaille dans la faïencerie des Frères Boch à La Louvière. Cette pratique le mène à suivre une formation de céramiste-faïencier à l’Institut des Arts et des Métiers de La Louvière où il reçoit le prix de la maîtrise en 1949. Il envisage ensuite le métier de céramiste par le biais d’un travail à la chaîne qui lui permet d’acquérir une pratique, des techniques et une maîtrise de la terre. S’il développe le plaisir de la matière dès 1959 en réalisant des sculptures en céramique, ce n’est qu’à partir de 1966 qu’il se lance dans la taille de la pierre et le travail du bronze. Très rapidement, dès 1967, il obtient son premier prix, le prix Louis Schmidt de sculpture, qui fera découvrir cette part de son travail au public. Depuis son atelier, situé à La Hulpe, le travail d’Eijberg oscille entre la nécessité financière d’une pratique artisanale et le plaisir de la création pour trouver un équilibre.

Granit, marbre de Carrare, ébène, bois de rose ou encore bronze sont autant de matériaux nobles choisis et travaillés par l’artiste dans un rapport très intime avec la matière. Aller puiser en elle l’essence même de son sujet pour atteindre une forme pure résonne comme un leitmotiv dans son œuvre et le rapproche d’un Constantin Brâncuşi (1876-1957). À l’instar d’un Michel Smolders (1929-2015), qu’il admirait, André Eijberg puise ses formes dans le répertoire de la nature et des figures humaines. Ses recherches d’abstraction le rapprochent de l’œuvre de Henry Moore mais la majorité des œuvres d’André Eijberg restent attachées à une figuration bien présente, certes parfois poussée dans ses derniers retranchements. 

À côté de ces influences, André Eijberg se positionne dans le paysage artistique belge comme le représentant d’une sculpture singulière. Son œuvre sculpté se caractérise par une réelle puissance issue à la fois de cette quête de l’essence des choses, et à la fois d’une matérialité éminemment présente par un travail subtil de la matière. Il émane alors une stabilité, une densité des volumes et des masses prégnantes. Son œuvre acquiert donc une certaine monumentalité, même dans ses plus petites pièces. Ses sculptures portent l’empreinte d’une grande sensualité, à la fois par les rondeurs des formes, mais également par la douceur des textures, la sérénité dans les attitudes des figures ou encore dans les qualités tactiles de ses œuvres. Enfin, son œuvre se veut organique à travers son aspect vivant, depuis ses thèmes jusqu’à ses formes et sa matière.

À côté de son œuvre sculpté, les dessins d’Eijberg présentent essentiellement des figures féminines nues dont les formes sont schématisées et les silhouettes cernées d’un trait marqué, souvent épais. Si les thèmes de ces dessins rejoignent ses sujets de prédilections en sculpture, André Eijberg envisage le dessin comme une pratique indépendante et non comme une étape préliminaire dans sa démarche sculpturale. La place du dessin est réellement devenue essentielle dans son œuvre lorsque des soucis de santé sont venus l’empêcher d’exprimer sa créativité à travers la taille.

En ce mois de septembre 2022, le Musée L met à l’honneur l’artiste André Eijberg par un accrochage qui lui est dédié, à la fois dans les salles du musée et dans le jardin des sculptures (rue Archimède) où la sculpture Baigneuse dialogue avec L’enclume de Michel Smolders. Le Musée L souhaite remercier la famille Eyberg très chaleureusement pour sa généreuse donation d’œuvres sculptées  et d’archives concernant le travail de l’artiste. Cette belle donation contribue très certainement à faire rayonner l’œuvre de cet artiste moderne belge.

Article paru dans le numéro 60 du Courrier du Musée L et de ses Amis