« En photographiant ses enfants à l'entrée de la citadelle de Montmédy par un beau jour de juillet 1976, cette maman pensait sans doute enregistrer un souvenir unique. Pourtant, en choisissant cet endroit près du pont levis, sans le savoir elle reproduisait presque à l'identique l'image par laquelle d'innombrables touristes immortalisent chaque année leur passage devant ces murailles de Vauban.
En la photographiant au même moment, je pensais sans doute dénicher un instant singulier, ce qui n'était pas faux, et donc faire œuvre originale, ce qui l'était beaucoup moins, le thème du photographe photographié étant en effet aussi vieux que la photographie elle-même.
Ma naïveté valait bien la sienne. En tout cas, comme son image, la mienne venait s'emboîter dans une série comparable à une déclinaison de matriochkas, ces poupées gigognes que je considère aujourd'hui comme la plus parfaite métaphore d'un système de représentation où l'image engendre de plus en plus des images qui lui sont similaires.
Matriochkas photographiques consiste à montrer par de nombreux exemples – ils ne manquent pas – comment m'est venue la conviction que la diffusion de masse des photographies dès le début du 20e siècle nous a fait passer du régime de l'archétype à celui stéréotype. Autrement dit, d'un dispositif qui nous permet de penser ce qui nous entoure à un autre qui nous évite bien trop souvent de (le) penser. » Jean-Marc Bodson
Après des études d’anthropologie, Jean-Marc Bodson est devenu photographe documentaire, discipline qu'il a enseignée à l'ESA Le 75 (Bruxelles) ainsi qu'à l'UCLouvain. Depuis de nombreuses années, il est également critique photo pour La Libre Belgique et commissaire indépendant.
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