Vera Molnár à Cancale en juin 2010. Courtesy Galerie Oniris. Photo : Philippe Paumelle
L'artiste française d’origine hongroise Vera Molnár est décédée ce 7 décembre à Paris à l'âge de 99 ans. Elle était une pionnière de l'art génératif et une force créative inépuisable. En 2022, elle exprimait passionnément : "L'art est obsessionnel, je ne pense qu'à ça !". Cette obsession a marqué une carrière exceptionnelle qui s'est étendue sur plusieurs décennies.
Vera Molnár (née Vera Gács) est née le 5 janvier 1924 à Budapest. Après avoir étudié la peinture classique à l’Ecole des beaux-arts, elle s’installe à Paris en 1947 où elle s’intéresse à l’art abstrait et en particulier aux artistes du Bauhaus et aux constructivistes.
Vera Molnar n'hésite pas à remettre en question les codes de l’abstractions et à les subvertir. Dans sa quête d'une méthodologie créative, elle développe, dans les années 60, la « machine imaginaire », un ensemble de procédures logiques permettant de concrétiser ses œuvres abstraites. L'objectif est de créer des images échappant partiellement à son contrôle, simulant une production mécanique. Ce n'est qu'en 1968 qu'elle obtient l'accès à un véritable ordinateur, marquant ainsi le début d'une exploration infinie des capacités combinatoires de la machine qui lui permet de « se détacher de ses a priori culturels et visuels »1.
Sa méthode de travail évolue avec l'avènement de l'écran, elle peut maintenant visualiser directement les effets des modifications apportées au code. En collaboration avec son mari, elle développe un programme appelé « Molnart », utilisant l'ordinateur comme une extension de sa créativité. Malgré son intérêt pour l'aspect mécanique du système, son travail reste étroitement lié au travail manuel par lequel elle matérialise ce que l'ordinateur produit. La machine « n’est pas au service de la performance, comme on pourrait l’imaginer lorsqu’on a recours à des outils technologiques, mais, au contraire, du défaut. Molnár utilise donc la machine pour introduire des erreurs »2.
Vera Molnàr, 100 carrés jaunes (Computer Icône 3), 1977, Acrylique sur toile, FRAC Normandie.
L’art de Molnár, guidé par un esprit de chercheuse, se déploie dans la discrétion jusqu'à sa première exposition personnelle en 1976 à Londres. Elle est, par la suite, exposée dans des institutions renommées telles que le MoMA et bénéficie d’une pleine reconnaissance relativement tardivement, dans les années 90.
Véritable pionnière française de l'art assisté par ordinateur, Vera Molnár restera une figure emblématique de l'art contemporain. Son approche légère, sa curiosité insatiable, et sa devise "Monotonie, symétrie, surprise", empruntée à Baudelaire, demeureront une inspiration pour la création. Le Musée L rend hommage à une grande artiste.
1 2 : Passages extraits du catalogue d'exposition The Grid · Trame · Grille · Matrice consacré à l'exposition du même nom présentée au Musée L du 5 octobre 2023 au 11 février 2024.