Le Musée L lance un appel à contributions pour le premier numéro de sa nouvelle revue scientifique, « Décoloniser les collections universitaires ? Défis, enjeux et perspectives ». Chercheur·ses, professionnel·les, étudiant·es et collectifs sont dès lors invité·es à réfléchir aux héritages coloniaux des universités et à la spécificité de leurs collections. Les propositions retenues nourriront à la fois les échanges des journées d’étude et la publication du numéro inaugural.
Le Musée L, musée universitaire de l’UCLouvain, lance une nouvelle revue scientifique en ligne et en libre accès consacrée aux collections et aux musées universitaires : UniMusea – Research and Practices on University Collections. Dans un premier temps, la revue paraîtra tous les deux ans autour d’une thématique en écho aux activités scientifiques du musée. L’objectif de cette revue est de publier des contributions inédites et originales consacrées à des recherches portant sur les collections et/ou les pratiques muséales universitaires. Par ailleurs, la revue souhaite inclure et associer des personnes qui ne sont pas issues d’un contexte académique traditionnel : artistes, professionnel·les des musées, représentant·es d’institutions, de collectifs et d’associations de la société civile.
Le premier numéro sera dirigé par Marion Bertin et Marino Ficco, avec le support des professeur·es Charlotte Langohr, Ralph Dekoninck et Marie-Sophie de Clippele. Cette première parution sera consacrée aux débats et aux réflexions autour de la décolonisation des collections universitaires. Cette proposition s’inscrit au sein d’un processus entamé par le Musée L visant à étudier les collections issues d’un contexte colonial afin de repenser la muséographie et les pratiques muséales. En effet, le Musée L conserve plusieurs objets provenant d’anciennes colonies et/ou acquis dans des contextes d’occupation ou d’oppression.
Cet appel à contributions est lié à deux journées d’étude organisées par le Musée L les 8 et 9 octobre 2026 à Louvain-la-Neuve (Belgique), intitulées « Décoloniser les collections universitaires ? Défis, enjeux et perspectives ». Elles seront accessibles en modalité hybride : en visioconférence et en présentiel. Nous invitons les auteur·rices des contributions retenues à intervenir lors de ces journées d’étude. Des posters, des tables rondes, des performances artistiques et d’autres moments de réflexion sont en cours de préparation. Le programme détaillé sera publié au premier semestre 2026.
État de l'art
Ces dernières années, plusieurs ouvrages et publications, ainsi que des rencontres scientifiques et des démarches émanant de la société civile, ont souligné l’importance de travailler sur les héritages coloniaux portés par les universités des anciens empires européens. En Belgique, plusieurs universités ont mis en place des groupes de réflexion internes. C’est le cas de l’UCLouvain, qui a rendu un rapport conclusif aux échanges du groupe de travail « Passé colonial » en 2021. L’Université libre de Bruxelles s’est aussi saisie de cette question, en mobilisant un cercle de réflexion mixte, permettant la rencontre et la discussion entre personnels académiques et cercles étudiants issus de la diaspora congolaise. La commission Koloniaal Verleden en Koloniaal Erfgoed de la KU Leuven (septembre-décembre 2020) a lancé la réflexion du côté flamand. Tous ces rapports soulignent l’implication des universités belges dans l’entreprise coloniale. Un groupe de travail interuniversitaire sur le passé colonial et la problématique de la décolonisation dans les universités belges a également été mandaté par les Conseils des rectrices et recteurs (VLIR/CRef) : un rapport a été rendu en 2021.
Dans le reste de l’Europe, plusieurs universités ou groupements interuniversitaires se sont aussi saisis de l’histoire de leurs collections en relation avec le passé colonial. À l’échelle européenne, nous pouvons mentionner le groupe de travail de l’association UNIVERSEUM, ainsi que le projet Horizon Europe COLUMN, visant à questionner l’héritage colonial des universités en Europe et au-delà.
Enfin, citons le travail du Comité international pour les musées et collections universitaires (UMAC) ainsi que celui du Comité international pour la muséologie (ICOFOM) au sein du Conseil international des musées (ICOM). Par exemple, la revue UMACJournal a consacré à la question un numéro spécial intitulé Beyond Provenance Research: Restitution and Return from University Museums (éds. Steph C. Scholten, Andrew Simpson, Gina Hammond) ; tandis que ICOFOM Study Series a publié en 2024 Decolonizing academic disciplines and collections (éds. Rainer Brömer, Susanne Rodemeier).
Dans les pays anciennement colonisés, des universités – souvent créées par les pouvoirs coloniaux – abritent des collections à l’histoire complexe, qu’il s’agit de mieux comprendre et d’étudier. Cet appel ne se limite pas à l’Europe et à ses anciennes colonies, mais s’étend aussi aux autres régions du monde, ainsi qu’aux nouvelles formes de colonisation contemporaines.
Récemment, le colloque intitulé « Études de provenances des collections de sciences naturelles et humaines. Muséologie et histoire pour le temps présent », organisé par le Muséum national d’histoire naturelle à Paris, a souligné la pluralité des disciplines concernées par les enjeux de décolonisation. Nous invitons à une réflexion générale en donnant aux collections universitaires une acception large et en interrogeant toutes les disciplines. Dans un souci de pluridisciplinarité, il s’agira également de penser aux cas de « collections mixtes » (Bondaz, Dias et Jarassé, 2016, « Collectionner par-delà nature et culture », Gradhiva, 23), embrassant plusieurs disciplines, bien qu’ayant pu être divisées en raison de l’histoire des savoirs.
Cet appel à contributions se décline en deux axes thématiques, au sein desquels les propositions d’articles pourront s’intégrer.
Que signifie décoloniser des collections universitaires ?
Le besoin de porter un regard critique sur l’histoire des collections en lien avec les colonisations est commun aux musées et à d’autres institutions conservant des héritages culturels. Ici, nous souhaitons en particulier interroger la spécificité des collections universitaires. Plus que toutes autres, celles-ci sont liées à la définition et à la transmission de savoirs. Ce sont des témoignages matériels du passé colonial et de ses héritages dans le présent.
Est-il possible et/ou pertinent de décoloniser des musées ou des collections universitaires ? Comment déclencher un tel processus ? Comment se former, repenser la gestion, la conservation, la documentation et renforcer les liens avec les communautés concernées ? Quelles politiques mener en matière d’acquisition et d’aliénation ? Quels sont les statuts des collections universitaires issues d’un contexte colonial ?
Historiciser les collections et les réexaminer passe notamment par le biais de recherches de provenance, devenues une mission essentielle des institutions conservant des collections au cours de la dernière décennie. Dans les processus visant à repenser les collections issues d’un contexte colonial, quel(s) rôle(s) joue la recherche de provenances ? Quelles sont les origines et les modalités d’acquisition des collections universitaires, en particulier ? Quelles méthodes de recherche mettre en place pour ces collections ? Pourquoi de telles recherches sont-elles menées et dans quels buts ? Comment communiquer autour du processus et des résultats ? Comment impliquer et associer l’ensemble de l’université ?
Quelles relations entre les universités et leur héritage colonial ?
Les collections et les musées universitaires ne constituent qu’une partie des héritages coloniaux portés par les universités. De quelle manière peuvent-ils être un point de départ pour interroger les autres formes d’héritage colonial, tangibles et intangibles, au sein des institutions ? Comment sont mobilisées les collections universitaires issues d’un contexte colonial (cours, projets de recherche) ? Qui les mobilise ? Quelles sont les relations avec les communautés d’origine ?
Que mettent en place les universités qui s’engagent à décoloniser leurs curricula, leurs structures et leur fonctionnement ?
Quel est l’état des collections universitaires dans les anciennes colonies ? Comment sont-elles pensées aujourd’hui ?
Comment construire des collaborations plus équilibrées avec les représentant·es de la société civile ainsi qu’avec les collègues des universités des communautés d’origine ?
Informations pratiques pour la contribution
Nous invitons à soumettre des propositions inédites et originales de chercheur·ses académiques, d’étudiant·es, de professionnel·les travaillant en lien avec des collections universitaires, ainsi que d’associations et de collectifs ayant déjà participé à des réflexions sur des collections universitaires en Belgique et ailleurs dans le monde.
Les résumés des communications (1 500 signes, espaces comprises, de préférence en anglais) devront être transmis avant le 25 janvier 2026 avec quelques lignes de présentation du contributeur à l’adresse suivante : unimusea-museel@uclouvain.be.
Il est également possible de soumettre des propositions de comptes rendus d’ouvrage en lien avec la thématique de l’appel.
À l’issue du processus de sélection, dix propositions seront retenues pour être publiées sous la forme d’un article long. Un nombre plus large de propositions sera invité à participer au colloque sous la forme d’un poster. Nous sommes en cours de prospection pour obtenir des subsides afin de faciliter la participation en présentiel d’intervenant·es qui rencontreraient des difficultés à prendre en charge leur déplacement. Plus d’informations suivront selon les opportunités.
Les auteur·rices des articles acceptés recevront une notification au plus tard début février 2026. Les articles (25 000 signes maximum, espaces comprises) devront être soumis avant le 30 avril 2026 pour un double peer review en vue d’une publication du numéro de la revue à la fin de l’année 2026. Les contributions pourront être en français, en néerlandais, en anglais ou en allemand. Ce choix s’explique à la fois par le contexte linguistique belge et par la maîtrise de ces langues au sein du comité éditorial. Cependant, les auteur·rices qui souhaitent soumettre une contribution dans une autre langue peuvent nous contacter pour que nous évaluions la possibilité d’une publication au cas par cas.
